fév 03 2010

Tour du monde à vélo : Passage de frontière

Catégorie Carnet de route


MAURITANIE – Poste frontière entre Maroc et Mauritanie

Des frontières, on commence à en avoir passées quelques unes. C’est toujours un moment tendu car on est un peu à la merci de l’avidité des « forces de l’ordre ». Cette frontière-ci, c’est un record. La plupart des gens qui l’empruntent sont des commerçants, essentiellement des vendeurs de voitures. Si il y a quelques années c’était une épopée prisée par les européens qui revendaient en Afrique des Peugeot 505 ou des Mercedes 190 D, aujourd’hui, ce commerce est majoritairement trusté par des africains qui vivent en Europe. Les voitures se revendent plus chères en Afrique, jusqu’à trois fois le prix d’achat en France. Les raisons principales sont liées aux taxes d’importation appliquées par les états et/ou aux frais d’expédition par voie maritime. Pour endiguer ces ventes parallèles qui échappent aux taxes gouvernementales, le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal ont durci leurs frontières. Aujourd’hui, seuls des véhicules de moins de 5 ans peuvent entrer au Sénégal et, en Mauritanie, le numéro d’immatriculation de la voiture est inscrit sur le passeport du conducteur. Si il veut vendre sa voiture, il doit payer une taxe au gouvernement à Nouakchott appelée le «dédouanement ». Alors bien-sûr, il y a tout un tas de réseaux parallèles et de combines auxquelles les « forces de l’ordre » collaborent moyennant un petit dédommagement.
Les européens peuvent en général s’en sortir à force de patience et de discussion, mais pour les africains, c’est taxe obligatoire. Il y a trois contrôles par pays, gendarmerie, police et douane, à chaque fois un billet plus ou moins gros facilite les formalités, et pour éviter les fouilles, il faut encore discuter ou payer les préposés à l’exercice. Et les fouilles, tout le monde veut les éviter car les voitures sont pleines à craquer d’objets destinés à la revente. Souvent des moteurs ou des pièces autos, ou du matériel électronique acheté en France et réputé plus robuste et moins cher que celui « made in China » vendu en Afrique. On a même vu des voitures cachées dans les remorques de camions frigorifiques. Là il vaut vraiment mieux pour les conducteurs que les fouilles n’aient pas lieu… Autre marchandise très prisée dans ce sens : l’alcool. Formellement interdit par la République Islamique de Mauritanie, on peut cependant en trouver à des prix très élevés dans les grandes villes, alors il faut bien que ces vendeurs soient livrés.
Nous, avec nos vélos, on est passé comme une lettre à la poste française. Notre épopée a impressionné tous les douaniers et, grâce à la témérité de Claudine, on a même réussi à passer devant tout le monde en expliquant qu’on était fatigués de pédaler sous cette chaleur. Ah oui, parce que les conducteurs entre eux ne se font pas de cadeaux. Tout le monde joue des coudes et les gens se tirent dans les pattes, essayant d’induire en erreur ceux qui ne savent pas, pour leur passer devant ou simplement pour s’amuser. Ambiance exécrable, voire même franchement raciste entre nations africaines.
Au rayon des records, soulignons notre voisin : passeport ivoirien, il conduit une Mercedes d’un modèle récent avec une plaque d’immatriculation italienne et bêtement il a… égaré les papiers du véhicule. On assiste à la scène à la gendarmerie mauritanienne, ce qui signifie qu’il a donc réussi à passer les trois précédents contrôles côté Maroc, mais là ça semble compliqué. Le plus gradé lui explique qu’il y a un sérieux problème. Il lui explique apparemment avec trop de véhémence, au point que le complice du chauffeur (je voulais dire copain du chauffeur) décide de jouer son atout maître, il décroche son téléphone portable et fait mine de passer un coup de téléphone à on ne sait qui à Nouakchott. Un sous-fifre, voyant ça s’empresse d’alerter le chef des gendarmes qui s’était déjà rassis à l’ombre sur son siège. Celui-ci devinant une issue peu avantageuse pour lui, se lève d’un bond et se précipite vers le type au téléphone et lui dit que ce n’est pas la peine d’appeler là-bas car le problème peut se régler ici. On n’aura pas le fin mot de l’histoire car notre tour de passer à la Police est arrivé, mais la solution a été trouvée car, plus tard, chauffeur et copain nous ont doublés sur la route au volant de la Mercedes. Remarquez qu’on n’a pas regretté d’avoir manqué la fin des débats car à l’intérieur de la cabane de Police, le spectacle est tout aussi ahurissant. Il faut voir le flic vautré par terre sur une natte posée sur le sol. Il est pied nu, la chemise ouverte et tend dédaigneusement la main pour avoir nos passeports. On s’assoit donc à même le sol pendant qu’il note nos noms et autres numéros de passeports sur un cahier qui était posé sur le sol à côté de la caisse en bois qui sert à stocker les pots de vin. Y a même un billet qui dépasse encore. On pourrait écrire un bouquin entier sur tout ce qu’on a vu à cette frontière ! Comme on a été épargné, on est tenté de prendre ça avec le sourire, mas il faut quand même dire que l’ambiance y est exécrable, on avait l’impression d’avoir sous les yeux tous les plus mauvais défauts de l’homme réunis au même endroit.

3 responses so far

3 commentaires à “Tour du monde à vélo : Passage de frontière”

  1. rebellele 03 fév 2010 à 4:40

    ca, on peut dire que vous en aurez passé des frontières ! Est-ce que vous avez fait le compte, une fois, pour rire ?

  2. Mumle 03 fév 2010 à 9:17

    Il faudra écrire un livre , vous savez si bien raconter ces épisodes.

  3. MMle 04 fév 2010 à 8:46

    Ce n’est ni votre premier ni votre dernier passage de frontière mais ce sera (peut-être) l’un des plus mémorable, l’avenir nous le dira.
    Au fait, vous communiquez en qu’elle langue, le français, l’anglais, quelques mots d’arabe, … ?

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